Thomas Piketty, Une brève histoire de l'égalité, par Christophe M. Ndiaye

 Thomas Piketty, Une brève histoire de l'égalité (Seuil,2019) par Christophe M. Ndiaye

"Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants. La réappropriation citoyenne de ce savoir est une étape essentielle pour transformer les relations de pouvoir"

Cette phrase forte est extraite de l'ouvrage "Une brève histoire de l'égalité"(Seuil,2019).Dans celui-ci, Thomas Piketty (directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales, professeur à l'école d'économie de Paris, co-directeur du laboratoire sur les inégalités mondiales) revient sur les inégalités entre classes sociales dans les sociétés humaines à travers les temps.

La conviction de l'auteur du capital au XXI ème siècle(Seuil,2013) et de capital et idéologie (Seuil,2019) est que les inégalités, qu'elles soient sociales, économiques, politiques ou de genre, constituent une constante dans l'histoire de l'humanité et qu'il est nécessaire de poursuivre une marche vers l'égalité entamée essentiellement à la fin du XVIII ème siècle, semée d'obstacles multiples et loin d'être aboutie à l'heure actuelle.

Nombreux sont les exemples d'inégalités cités par l'auteur et on peut notamment insister sur les périodes coloniales et esclavagistes, fondamentales pour permettre au monde occidental, fort de sa supériorité militaire, d'acquérir une position dominante à l'échelle mondiale qui sera source de nombreuses injustices. 

A cet égard, l'exemple d'Haïti est édifiant. Cet état, anciennement connu sous le nom de Saint Domingue, première République noire instituée dés 1804 à la suite des révoltes esclavagistes entamées en 1791,a payé très chèrement et fort injustement son indépendance vis à vis de la France. En effet, et dans le but d'indemniser les propriétaires esclavagistes "lésés" par la perte de leurs propriétés (terres et hommes), la France a imposé à la République nouvellement  instituée le rachat de sa liberté. Rachat matérialisé par le versement de 150 millions de franc-or, imposé grâce à la supériorité militaire française et à l'instauration d'un embargo de la flotte française dans l'attente du règlement.

Concernant les voies à suivre pour plus d'égalité, l'auteur met  notamment en exergue la période charnière allant de 1914 jusqu'au début de années 1980; il désigne celle-ci comme étant celle de la "Grande redistribution" dans la mesure où, davantage qu'à n'importe quelle autre époque, les sociétés occidentales n'avaient sans doute  jamais été aussi "égalitaires". Au travers d'exemples précis, étayés à coup d'études et de données chiffrées, Piketty fait la démonstration de l'efficacité de ce qu'il nomme "l'État social". État qui a permis des progrès significatifs en terme d'égalité, que ce soit pour l'éducation(accès généralisé à l'école et aux études supérieures),la santé ou la protection sociale avec l'instauration de systèmes de sécurité sociale pour le plus grand nombre.

Pour conclure, l'auteur développe non seulement les pistes à suivre pour tendre vers une égalité souvent théorisée mais loin d'être toujours effective et formule quelques propositions "chocs" qui n'ont pas manqué de faire réagir. Quant aux pistes, il insiste très fortement sur l'importance de l'impôt progressif.Pour appuyer sa démonstration, il cite l'exemple de la politique fiscale menée par le Président des États-Unis d'Amérique Franklin Roosevelt durant les années 1930 et 1940 et qui consistait en une taxation très forte(jusque 90%) des très hauts revenus.L'objectif étant de faire face aux répercussions engendrées par la Grande Dépression et par le conflit mondial de 1939-1945. Concernant les propositions "chocs",on citera l'instauration d'une allocation généralisée de 120.000 € pour tout citoyen à l'âge de 25 ans.Allocation qui aurait non seulement la vertu de remédier aux inégalités face à l'héritage mais qui permettrait à chacun de disposer d'un capital de départ.

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